La lyre médiévale est un instrument rare et difficile à acheter... C'est pourquoi, à la manière des musiciens du moyen-âge, je me suis retrouvé à fabriquer mon instrument moi-même !
Quels matériaux pour le chevalet d'une lyre médiévale ? Essais avec différents bois et ambre de la mer Baltique
Voici un article (en PDF) récapitulant le travail réalisé sur le chevalet de la lyre médiévale, et notamment sur la réalisation d'un chevalet en ambre de la mer Baltique. Des enregistrements sonores des différents chevalets sont aussi disponibles, ainsi qu'un résumé en anglais à la fin de l'article.
Chevalet en ambre : enfin ajusté !
Suite et probablement fin de mes aventures "chevalet-resque" (ha ha !).
J'ai fini par comprendre pourquoi, avec le chevalet en ambre, le son était comme étouffé et manquait d'attaque et de brillance dans les aiguës. En fait le chevalet reposait sur la table de l'instrument uniquement sur la partie extérieure de ses pieds ! Sur plus de la moitié de la surface des pieds, il était possible de glisser l'épaisseur d'un ticket de carte bleue...
Après réflexion, cela est très probablement dû au fait que la table soit légèrement concave, à cause de la pression des cordes, alors que j'avais taillé le chevalet avec des pieds parfaitement plats. Pour les chevalets en bois, ce n'est pas un problème car le bois est assez souple pour s'ajuster de lui-même. Mais l'ambre est beaucoup moins souple et ne s'adapte pas !
Chevalet en buis
Encore un essai de chevalet, cette fois-ci en buis (merci François pour le bois !). Comme vous pouvez constater, le son puissant, notamment dans les aigus, mais en revanche plutôt pauvre dans les basses.
Chevalet en chêne à fil courbe
Voici un nouvel essai de chevalet, toujours en chêne mais cette fois- ci taillé dans une pièce de bois à fil courbe.
Il y a plusieurs exemples de pièces historiques en bois utilisant des bois avec le fil suivant la forme de la pièce : roue de vieille à roue, tête de lyre... et donc on peut faire l'hypothèse que, à une certaine époque, il était peut-être considéré comme "contre-nature" de tailler le bois dans un sens différent que celui de son fil... cette hypothèse m'a amené à essayer de tailler un chevalet dans une pièce de bois à fil courbe (au niveau du départ d'une branche), puisque le chevalet est fondamentalement une pièce courbe !
Sur la photo ci-dessous, les pointillés rouges indique le fil du bois.
Le résultat sonore est intéressant : par rapport à un chevalet "classique" avec le fil du bois parallèle à la table d'harmonie, le son est plus puissant et dure plus longtemps (plus de sustain). En revanche, il est aussi plus agressif... le fichier sonore suivant présente successivement le son obtenu avec le chevalet en chêne à fil courbe puis avec celui en ambre.
Chevalet en ambre 2
Le retour du chevalet en ambre ! Après un "retaillage" sévère, le voici beaucoup plus fin.
Sur le plus esthétique, ce chevalet est une vrai tuerie ! Au rayons du soleil (ou d'une lampe à LED émettant des UV, cf photo en médaillon), on voit même apparaître des volutes vert fluorescentes.
Sur le plan sonore, il y a une amélioration par rapport au bloc d'ambre "brut" testé précédemment. Le son reste riche en basse, mais gagne dans les aiguës. Il reste un peu étouffé par contre... du coup je vais sans doute essayer de l'affiner encore un peu, et aussi d'enlever les plus grosses inclusions dans l'ambre, quitte à laisser un creux à la surface du chevalet.
Les fichiers sons comparent le chevalet en chêne (qui me sert de référence) au nouveau chevalet en ambre.
Chevalet en érable
Nouveau test de chevalet, cette fois-ci en érable. Le son est proche de celui obtenu avec le chevalet en chêne, mais en plus sec et plus percussif, avec moins de sustain (=le son dure moins longtemps), un peu comme sur un banjo. L'enregistrement suivant présente 3 courts morceaux, chacun étant joué d'abord avec le chevalet en chêne, puis avec celui en l'érable et enfin avec celui en ambre :
lyre_chevalet_chene_vs_erable_vs_ambre.mp3
lyre_chevalet_chene_vs_erable_vs_ambre.ogg
Au final, j'ai remis le chevalet en chêne, c'est pour l'instant celui que je préfère, celui avec lequel j'ai le plus de faciliter pour chanter, et le seul qui a ce côté hypnotique qui fait que je ne parviens pas à lâcher l'instrument !
Essai du chevalet en ambre
Le chevalet en ambre étant enfin achevé, le voici monté sur l'instrument.
Le résultat est des plus surprenant : par rapport à mon chevalet précédent (en chêne), le son est beaucoup plus grave ! En revanche, on perd sur les aiguës et aussi sur l'attaque des notes, qui est beaucoup moins marquées. L'enregistrement suivant présente 3 courts morceaux, chacun étant joué d'abord avec le chevalet en chêne, puis avec celui en ambre :
lyre_chevalet_chene_vs_ambre.mp3
lyre_chevalet_chene_vs_ambre.ogg
Les 4 cordes les plus graves gagnent en puissance, et les harmoniques sont plus faciles à obtenir. L'enregistrement suivant (entièrement avec le chevalet en ambre) montre cela :
lyre_chevalet_ambre_grave_harmonique.mp3
lyre_chevalet_ambre_grave_harmonique.ogg
L'analyse du spectre du son (ici sur la note LA) confirme cela. Le chevalet en chêne développe des harmoniques de quinte, l'harmonique d'octave étant peu marquée. Tandis que le chevalet en ambre développe une harmonique d'octave... ainsi qu'une surprenante "harmonique négative" à l'octave inférieure ! Le sommet du spectre étant d'ailleurs une octave en-dessous de la note attendue, fort curieusement...
Polissage
Après avoir tracé les rigoles où passeront les cordes avec une lime triangulaire (attention, pour s'assurer que le fond de la rigole soit bien plat, il faut donner tous les coups de lime dans le même sens ; ne pas faire de va-et-vient !), le sommet du bloc est poli avec... du dentifrice ! Cela permet de le rendre brillant et transparent, ce qui est beaucoup plus joli :-)
Suite du travail de l'ambre à l'abrasif
Voici à présent le ponçage de la base et du sommet du bloc. Notez l'astucieuse utilisation d'un ruban de papier pour éviter de poncer le support !
Travail de l'ambre à l'abrasif
Première phase du travail du bloc d'ambre, pour en faire un chevalet : creuser un trou rond au milieu de la base du bloc. Je l'ai fait avec un tissu abrasif enroulé autour d'un gros stylo. Ne pas oublier de mettre de l'eau afin d'éviter des étincelles ! Et le tissu abrasif résiste beaucoup mieux à l'eau que le papier de verre.
Un bloc d'ambre pour un chevalet !
Parmi les nombreux matériaux utilisés pour faire le chevalet des lyres médiévales, l'ambre est sans doute le plus ésotérique... il semblerait que celui-ci donne un son à la fois puissant et agréable.
Voici donc un bloc d'ambre de la mer baltique, d'une taille suffisante pour en faire un chevalet pour ma lyre, acheté chez Alexandre Import Nature.
Les tests d'usage confirment qu'il s'agit bien d'un bloc d'ambre véritable ! Plus qu'à travailler ce bloc...
La lyre est terminée !
Ma lyre est enfin terminée ! Le son est très clair, proche de celui d'une harpe, et avec un volume sonore quasiment équivalent à celui d'une guitare classique (et ce malgré une caisse de résonance beaucoup plus petite).
Après un court passage au château d'Ars, voici une photo et un petit enregistrement montrant deux styles de jeu très différents.
Vernissage
Pour le vernissage, j'ai choisi de le faire à l'ancienne, à l'huile de lin pure. Les avantages sont nombreux : efficace, non toxique, facile à utiliser... avec un inconvénient de poids : il faut passer 7 couches à 24h d'intervalle, puis encore 1 couche par mois pendant un an !
Mais cela en vaut la peine : l'huile de lin donne de magnifiques couleurs flamboyantes au bois !
Je ponce donc je sue...
La partie la plus difficile du ponçage consiste à poncer la table d'harmonie qui dépasse... en effet, le collage n'étant pas très précis, on découpe la table un peu large et j'ai eu la main lourde !